L’Eveil final du Vénérable Acarya Mun

 

 

Acariya Mun s’interrogeait avec intensité, à la fois sur l’intérieur et l’extérieur. Sa vigilance et sa sagesse pénétraient partout – constamment en mouvement au dedans et au dehors, en haut et en bas – tout le temps, résolvant des problèmes, se détachant, puis lâchant prise alors qu’il coupait, réduisait et pulvérisait toutes les attitudes mensongères avec toute la force qu’il pouvait rassembler.

Se sentant libre comme un poisson géant nageant avec joie dans l’océan, il se retourna sur la totalité de son passé et ne vit que des moments d’obscurité sombres, entrainant toutes sortes de dangereuses conséquences inévitables. Son cœur battit plus vite à l’idée de trouver un moyen d’y échapper.

Considérant l’avenir, il ne vit devant lui que la majestueuse expansion vide de l’illumination lumineuse – une vue qui dépasse complètement toute compréhension conventionnelle et est tout à fait au-delà de toute description. Tant et si bien, que je trouve difficile d’élaborer plus loin pour le bénéfice du lecteur. Je regrette sincèrement d’être incapable de rendre justice à toutes les choses inspirantes dites par Acariya Mun.

Il resta assis en méditation tard cette nuit là, pas trop longtemps après que la pleine conscience et la suprême sagesse aient atteint un sommet. Comme une Roue du Dhamma, elles se mouvaient à l’unisson alors qu’elles tournaient sans cesse autour de la citta et de tout ce qui touche à elle. Acariya Mun s’était alors établi à la base d’une montagne, dans un vaste espace ouvert couvert d’ énormes rochers plats. Un espace ouvert l’entourait alors qu’il était assis au pied d’un arbre solitaire – le seul arbre de tout cet endroit. Cet arbre procurait une ombre fraîche pendant la journée, et il s’y asseyait parfois pour méditer.

Au crépuscule, Acariya Mun commença la méditation en marchant, en se concentrant sur Paticcasamuppada, comme un thème de première importance pour ce niveau de contemplation . Commençant avec avijja paccaya Sankhara, il devint tellement intrigué par la question des origines interdépendantes qu’il se mit bientôt à l’étudier à l’exclusion de tout le reste. Au moment où il s’assit à environ neuf heures, son esprit était concentré uniquement sur avijja, scrutant et examinant chacune des conditions interdépendantes par un developpement logique, puis en inversant l’ordre pour revenir à avijja. Contemplant ainsi, il allait et revenait en arrière délibérément, encore et encore – depuis la citta – le point focal où la naissance , la mort et les kilesas convergent avec la cause principale – avijja.

Assis en méditation tard dans la nuit, le moment crucial arriva. Les soldats étaient prêts : la pleine conscience suprême et la suprême sagesse — des armes pareilles à des rasoirs — contre avijja, un ennemi particulièrement adroit pour repousser leurs avances et contre-attaquer en laissant ses adversaires en plein désarroi.

Depuis des temps immémoriaux , personne n’a osé défier sa puissance, permettant à avijj? de régner sans partage sur le «royaume de la naissance et de la mort » à l’intérieur du cœur de tous les êtres vivants .

Mais à trois heures cette nuit-là, Acariya Mun lança son dernier et ultime assaut, le résultat en fut la destruction totale du puissant trône du roi et le renversement complet de son règne dans le royaume de la naissance et de la mort. Soudain, impuissant et privé de marge de manœuvre, le roi ne pouvait pas maintenir sa souveraineté. C’est à ce moment qu’avijja périt, victime d’ un coup de foudre d’un éclat sans pareil.

Acariya Mun décrivit comment ce moment fatidique s’accompagna d’un tremblement qui semblait secouer l’Univers entier.

Il passa le reste de la nuit à payer sans relâche hommage aux vertus suprêmes du Seigneur Bouddha. Acariya Mun avait toujours été plein de compassion – il était profondément sensible à l’état spirituel des autres êtres humains. Mais sa citta venait d’atteindre une clarté qui était si extraordinaire dans son éclat et sa pureté qu’il sentait qu’il ne pouvait pas expliquer la vraie nature de ce Dhamma aux autres.

Glossaire :
avijja : ignorance fondamentale
kilesa : souillure mentale
citta : nature connaissante essentielle de l’esprit
Paticcasamuppada : origine dépendante

Extrait traduit dans Voyages en pays d’Eveil et de sainteté de la biographie d’Ajahn Mun.