Une rencontre au Québec – 1987

 

 

J’ai rencontré Salim Michael en mai dernier, lors du Symposium de Shawinigan. Ce fut pour moi une totale surprise d’avoir soudainement l’impression de me retrouver en présence d’un maître.

Mais qu’est-ce qu’un maître, me demanderez-vous? Les gens que j’appelle «maitre» sont, pour moi, des personnes qui ont compris le mystère de la conscience humaine et qui ont franchi les limites étroites de la «personnalité», la personnalité étant simplement une série d’événements historiques qui nous donnent un nom, une histoire, etc. mais qui n’a rien à voir avec notre nature essentielle. Les mystiques décrivent souvent l’état d’illumination comme un vaste océan de conscience cosmique, infini, où il n’y a ni sujet ni objet mais où l’observé, l’observant et l’observation ne forment qu’un. Le maitre est donc celui qui, parce qu’il a atteint la réalisation de son être, peut guider ceux et celles qui sont disposés à tenter l’aventure. La position du maître n’en est pas une de supériorité mais de guide. Essentiellement, le maître est un miroir pour son disciple, lui renvoyant l’image la plus nette de lui (ou elle)-même afin qu’il se débarasse de ce qui obstrue sa conscience et découvre finalement «le visage qu’il avait avant sa naissance».

Salim Michael est un Anglo-Indien de nationalité britannique qui vit actuellement en France avec quelques-uns de ses élèves. De ce que j’ai compris lors de sa conférence, il a vécu plusieurs années en Inde où il a vainement cherché un maître qui pourrait le guider, s’initiant au fil de sa recherche à certaines formes peu connues de yoga.

Je suis sorti du Symposium fort étonné du déroulement des événements et avec l’impression d’être assis entre deux chaises. Mais j’avais son livre, un livre curieusement écrit, avec des phrases qui ont un paragraphe de long et des tournures spéciales comme je n’en ai jamais lues en français. Comme Salim Michaël le dit dans sa présentation, il n’a aucune instruction (il n’apprit à lire et à écrire qu’à l’âge de dix-neuf ans), ni même de véritable langue maternelle (ses parents changèrent continuellement de pays durant son enfance), il est un homme simple et il n’a écrit ce livre qu’à la demande de ses élèves. «Le but de ce livre, écrit-il en préface, est d’aider le chercheur à comprendre par une expérience intérieure directe sa Nature Supérieure et l’état d’après la mort, l’état d’où il est sorti et où il retournera en quittant cette forme d’existence La valeur spécifique de ce livre — s’il en a une — est qu’il n’est pas fondé sur une connaissance intellectuelle accumulée mais uniquement sur des expériences personnelles gagnées par de longues années de lutte solitaire.»

Au cours des mois qui ont suivi, j’ai lu son livre par petites portions, m’arrêtant à chaque chapitre, essayant parfois quelques-uns des exercices proposés. Car La Voie de la Vigilance Intérieure est pratiquement un manuel de méditation, qui décrit parfois minutieusement les techniques présentées. C’est loin d’être un livre de “techniques”, celles-ci n’occupent qu’une proportion minime du volume, mais je garde l’impression que Salim Michael a conçu son livre pour amener progressivement ses lecteurs sur la «voie».

Je ne peux m’empêcher de penser non plus que La Voie de la Vigilance Intérieure ressemble presque physiquement à son auteur: intense, authentique, un peu austère et portant la marque d’efforts tenaces. L’auteur revient d’ailleurs tout au long de son livre sur les difficultés de la démarche et ce qu’il en coûte de s’y engager.

A la différence d’autres maîtres, Salim Michael ne donne pas beaucoup à rire dans son livre: tout son propos n’a qu’un seul objectif, rendre vigilante la conscience endormie. Mais le côté austère de Salim Michael est contrebalancé par la simplicité et la pureté presque enfantine de son propos: il y a dans ce livre une grâce et une élégance qui tiennent au côté naturel, quasiment brut de l’expression.

Contrairement à beaucoup d’autres livres, celui-ci a été écrit avec l’intention de fournir un outil de travail aux adeptes. De nos jours, et beaucoup plus que jadis à cause du magnétophone, les paroles des maîtres sont transcrites directement de leur forme orale, puis éditées ou compilées par les disciples. Elles ne présentent pas souvent l’unité et l’ordonnance qu’on trouve dans La Voie de la Vigilance Intérieure. En cela, comme par le caractère quasiment systématique de son livre, je suis certain que Salim Michael apporte une contribution précieuse et peut-être inédite dans l’aventure de la conscience humaine.

Source : fr.meditation-presence.com